La lutte contre la corruption et le contrôle parlementaire de l’administration sont des outils efficaces pour assurer une croissance durable
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Dans le cadre de sa mission de présentation des politiques sectorielles du Maroc auprès des missions étrangères, la Fondation diplomatique a organisé, le mardi 16 février 2016, en son siège à Rabat un long débat, placé sous le thème « HCP : quel avenir pour le Maroc ? », en présence des ambassadeurs et autres chefs de missions diplomatiques représentant plus de 40 pays (Europe, Afrique, Asie, Amériques et Moyen Orient) et organisations internationales. Avec les annonces récentes du taux de croissance en forte baisse, avec l’incertitude que la météo fait pencher sur tout le secteur de l’agriculture, une mise au point était nécessaire.
Le Haut-commissaire au plan, Ahmed Lahlimi Alami s’est prêté aux questions des ambassadeurs et leur a présenté brièvement le rôle de son organisme, jouissant d’une indépendance institutionnelle et intellectuelle, chargé de produire enquêtes, études et statistiques pour informer la population avec statistiques économique, démographique et sociale. Le Haut-commissariat au plan est également chargé de l’établissement des comptes de la nation.
Bonnes et mauvaises notes au gouvernement
Le président de la Fondation diplomatique, Abdelati Habek, a rappelé, dans son discours introductif, la position parfois inconfortable du Haut-commissariat, lorsqu’il « distribue les bonnes et mauvaises notes à l’action gouvernementale ». A ce titre, M. Lahlimi a réconforté les ambassadeurs en leur rappelant que la politique est faite d’alternances. Lorsque les politiques sont au pouvoir, ils s’opposent au HCP qui leur livre de « mauvais » chiffres, mais deviennent son meilleur allié lorsqu’ils passent à l’opposition et qu’ils peuvent utiliser ces mêmes chiffres contre la nouvelle équipe gouvernementale. Malgré l’écho qu’en fait la presse, le travail du HCP est particulièrement apprécié pour son professionnalisme et son indépendance.
Investissements pas efficaces
Répondant à la question des ambassadeurs, le Haut-commissaire au plan évoque le rendement faible de l’investissement au Maroc puisqu’il faut 7 points d’investissement pour créer 1 point de croissance, alors que d’autres pays, également africains, se contentent de 3 à 5 points d’investissement pour le même résultat. Il tente d’apporter une réponse par le fait que les gros investissements au Maroc concernent l’infrastructure et que le retour sur de tels investissements n’est pas aussi rapide qu’avec d’autres secteurs productifs. En effet, le Maroc aurait certainement trop investi dans l’infrastructure au détriment de l’industrie et de l’agriculture.
Tyrannie du climat
La question était sur toutes les lèvres, les chiffres de la croissance marocaine révisés à la baisse, et même probablement inférieurs à l’estimation optimiste de 1,3% est une conséquence directe des aléas climatiques : les pertes en valeur et en quantité, particulièrement pour la campagne céréalière, sont inéluctables. A la conjoncture climatique défavorable s’ajoute une économie européenne encore très timide, et dont dépend beaucoup le Maroc.
Selon M. Lahlimi, il est temps que le Maroc s’affranchisse de la « tyrannie du climat » en développant une chaîne de valeurs autour du secteur de l’agriculture au Maroc. Il rappelle que la politique audacieuse des barrages, initiée par Feu Hassan II, nécessite en aval une forte mobilisation non seulement pour assurer une irrigation adéquate des parcelles, mais également pour porter réponse à des préoccupations telles que le remembrement des terres. Il évoque aussi la nécessité de moderniser les techniques et le modèle technologique d’exploitation de la terre, notamment avec des engrais et des semences adaptées aux différents sols mais surtout avec une recherche adaptée aux spécificités africaines. Le citoyen marocain a, au fil des générations, abandonné les céréales endémiques, comme l’orge ou le blé dur, au profit du blé tendre qui n’est pas particulièrement adapté au climat méditerranéen. Selon M. Lahlimi, plutôt que chercher l’autosuffisance dans des conditions difficiles, il serait plus efficace de compenser des importations de farines étrangères par des exportations de productions végétales mieux adaptées à la géophysique du Maroc. Toutefois, le Haut-commissaire au plan indique que l’augmentation du niveau de vie au Maroc ces dernières années a aussi comme conséquence la diminution de la consommation de farine, puisqu’une population plus riche consommera plus de lait, plus de viande, au détriment du pain. Quoi qu’il en soit, la nourriture et l’énergie connaitront, dans le futur, une tendance haussière inéluctable.
Une société en profonde mutation
Répondant à l’ambassadeur de Pologne sur la chute de la natalité au Maroc, le Haut-commissaire au plan a confirmé qu’en 1960, la femme donnait naissance, en moyenne, à 7 enfants. Un demi-siècle plus tard, le taux a dégringolé à 2,1 enfants par femme, avec des taux encore inférieurs dans les grandes villes n’assurant plus le renouvellement des générations. Il s’agit, selon lui, des conséquences de la culture moderne sur le Maroc, où les valeurs séculaires changent au contact du monde. L’enfant n’est plus, comme par le passé, un investissement pour le présent (aide agricole) et pour le futur (retraite des parents), mais est plutôt vu comme une lourde charge financière pour la famille. L’urbanisation a également contribué à l’éclatement des grosses cellules familiales traditionnelles où toutes les générations s’entraidaient.
Le Haut-commissaire au plan évoque aussi avec les ambassadeurs le vieillissement de la population au Maroc, et les conséquences sociales douloureuses que cela entraîne, lorsque ces personnes âgées – dont 80% ne jouissent pas de la rentraite – ne peuvent plus être prises en charge par leurs familles. Il s’attarde aussi sur le rôle économique que doit jouer la femme active – dont seulement 23% sont aujourd’hui sur le marché du travail.
Régionalisation avancée
L’ambassadeur du Libéria évoque la régionalisation avancée et ses conséquences économiques au Maroc. Pour M. Lahlimi, le rapprochement de la population et des décideurs politiques est une excellente chose, qui permet une meilleure légitimité des décisions et davantage d’efficacité. Bien entendu, il conviendra au gouvernement de porter une réponse aux disparités existantes, en termes de richesse et d’infrastructure, afin d’équilibrer les régions, dans le cadre d’une planification stratégique nationale qui demeure primordiale.
Des conseils pour le prochain gouvernement ?
Répondant à l’ambassadeur de Croatie interrogeant le Haut-commissaire au plan sur les quelques réformes-clés qu’il pourrait conseiller à la prochaine législature, M. Lahlimi évoque de prime abord la nécessité d’un renforcement des institutions démocratiques en activant, par exemple, les quelques 18 Conseils prévus par la Constitution afin d’assurer une participation directe des catégories sociales porteuses de progrès. Il voit ensuite une nécessité de compiler une vision stratégique pour la gouvernance en formulant la trajectoire gouvernementale en coordination avec les citoyens. Bien entendu, il existe déjà de nombreux contrats sectoriels, mais M. Lahlimi appelle à les intégrer dans une vision globale d’avenir.
Inégalités, la pierre
d’achoppement
Le problème fondamental, à l’origine de tous les troubles dans le monde est, selon M. Lahlimi, les inégalités sociales et territoriales qui engendrent tensions et violences. Il se réfère à la crise économique des subprimes aux Etats-Unis et les différents « printemps » qui ont été, selon lui, un fiasco entraînant l’arrivée de mouvements radicaux et extrémistes qui ont puisé leur propagande dans les héritages rétrogrades les plus sombres des nations. Les inégalités de patrimoine, de formation, d’emploi, de genre doivent être aplanies et c’est au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour assurer à tous les mêmes chances, dès le jeune âge. Pour illustrer son propos, M. Lahlimi prend l’exemple des statistiques faisant apparaître qu’un enfant inscrit dans le préscolaire a plus de chances de terminer ses études que celui qui est scolarisé ultérieurement. Actuellement, l’offre préscolaire est l’apanage au Maroc du secteur privé, et donc réservé à une tranche plus aisée de la population. Cette lacune étatique fera l’objet de réformes prochainement.
Réformes économiques
Le Haut-commissaire au plan invite le prochain gouvernement a maintenir les équilibres fondamentaux (déficit acceptable, balance équilibrée des échanges,…) tout en ne cherchant pas la facilité en réduisant les déficits par le retrait des investissements. Selon lui, il faudrait même que le Maroc porte à 40% la part du budget consacrée aux investissements non seulement dans les infrastructures, mais également dans l’industrie qui a souffert d’un déficit d’investissement ces dernières années. La lutte contre la corruption et le contrôle parlementaire de l’administration sont également des outils efficaces pour assurer une croissance durable.
A l’issue de la rencontre, le doyen du corps diplomatique accrédité au Maroc, Ismaila Nimaga, ambassadeur de Centrafrique, a remis, au nom des ambassadeurs présents un diplôme de reconnaissance à M. Lahlimi tout en l’invitant à renforcer les coopérations bilatérales avec les instances nationales chargées de la planification, afin de tirer le meilleur avantage de l’expérience concluante du Maroc dans ce domaine.
Le Haut-commissaire au plan, Ahmed Lahlimi Alami s’est prêté aux questions des ambassadeurs et leur a présenté brièvement le rôle de son organisme, jouissant d’une indépendance institutionnelle et intellectuelle, chargé de produire enquêtes, études et statistiques pour informer la population avec statistiques économique, démographique et sociale. Le Haut-commissariat au plan est également chargé de l’établissement des comptes de la nation.
Bonnes et mauvaises notes au gouvernement
Le président de la Fondation diplomatique, Abdelati Habek, a rappelé, dans son discours introductif, la position parfois inconfortable du Haut-commissariat, lorsqu’il « distribue les bonnes et mauvaises notes à l’action gouvernementale ». A ce titre, M. Lahlimi a réconforté les ambassadeurs en leur rappelant que la politique est faite d’alternances. Lorsque les politiques sont au pouvoir, ils s’opposent au HCP qui leur livre de « mauvais » chiffres, mais deviennent son meilleur allié lorsqu’ils passent à l’opposition et qu’ils peuvent utiliser ces mêmes chiffres contre la nouvelle équipe gouvernementale. Malgré l’écho qu’en fait la presse, le travail du HCP est particulièrement apprécié pour son professionnalisme et son indépendance.
Investissements pas efficaces
Répondant à la question des ambassadeurs, le Haut-commissaire au plan évoque le rendement faible de l’investissement au Maroc puisqu’il faut 7 points d’investissement pour créer 1 point de croissance, alors que d’autres pays, également africains, se contentent de 3 à 5 points d’investissement pour le même résultat. Il tente d’apporter une réponse par le fait que les gros investissements au Maroc concernent l’infrastructure et que le retour sur de tels investissements n’est pas aussi rapide qu’avec d’autres secteurs productifs. En effet, le Maroc aurait certainement trop investi dans l’infrastructure au détriment de l’industrie et de l’agriculture.
Tyrannie du climat
La question était sur toutes les lèvres, les chiffres de la croissance marocaine révisés à la baisse, et même probablement inférieurs à l’estimation optimiste de 1,3% est une conséquence directe des aléas climatiques : les pertes en valeur et en quantité, particulièrement pour la campagne céréalière, sont inéluctables. A la conjoncture climatique défavorable s’ajoute une économie européenne encore très timide, et dont dépend beaucoup le Maroc.
Selon M. Lahlimi, il est temps que le Maroc s’affranchisse de la « tyrannie du climat » en développant une chaîne de valeurs autour du secteur de l’agriculture au Maroc. Il rappelle que la politique audacieuse des barrages, initiée par Feu Hassan II, nécessite en aval une forte mobilisation non seulement pour assurer une irrigation adéquate des parcelles, mais également pour porter réponse à des préoccupations telles que le remembrement des terres. Il évoque aussi la nécessité de moderniser les techniques et le modèle technologique d’exploitation de la terre, notamment avec des engrais et des semences adaptées aux différents sols mais surtout avec une recherche adaptée aux spécificités africaines. Le citoyen marocain a, au fil des générations, abandonné les céréales endémiques, comme l’orge ou le blé dur, au profit du blé tendre qui n’est pas particulièrement adapté au climat méditerranéen. Selon M. Lahlimi, plutôt que chercher l’autosuffisance dans des conditions difficiles, il serait plus efficace de compenser des importations de farines étrangères par des exportations de productions végétales mieux adaptées à la géophysique du Maroc. Toutefois, le Haut-commissaire au plan indique que l’augmentation du niveau de vie au Maroc ces dernières années a aussi comme conséquence la diminution de la consommation de farine, puisqu’une population plus riche consommera plus de lait, plus de viande, au détriment du pain. Quoi qu’il en soit, la nourriture et l’énergie connaitront, dans le futur, une tendance haussière inéluctable.
Une société en profonde mutation
Répondant à l’ambassadeur de Pologne sur la chute de la natalité au Maroc, le Haut-commissaire au plan a confirmé qu’en 1960, la femme donnait naissance, en moyenne, à 7 enfants. Un demi-siècle plus tard, le taux a dégringolé à 2,1 enfants par femme, avec des taux encore inférieurs dans les grandes villes n’assurant plus le renouvellement des générations. Il s’agit, selon lui, des conséquences de la culture moderne sur le Maroc, où les valeurs séculaires changent au contact du monde. L’enfant n’est plus, comme par le passé, un investissement pour le présent (aide agricole) et pour le futur (retraite des parents), mais est plutôt vu comme une lourde charge financière pour la famille. L’urbanisation a également contribué à l’éclatement des grosses cellules familiales traditionnelles où toutes les générations s’entraidaient.
Le Haut-commissaire au plan évoque aussi avec les ambassadeurs le vieillissement de la population au Maroc, et les conséquences sociales douloureuses que cela entraîne, lorsque ces personnes âgées – dont 80% ne jouissent pas de la rentraite – ne peuvent plus être prises en charge par leurs familles. Il s’attarde aussi sur le rôle économique que doit jouer la femme active – dont seulement 23% sont aujourd’hui sur le marché du travail.
Régionalisation avancée
L’ambassadeur du Libéria évoque la régionalisation avancée et ses conséquences économiques au Maroc. Pour M. Lahlimi, le rapprochement de la population et des décideurs politiques est une excellente chose, qui permet une meilleure légitimité des décisions et davantage d’efficacité. Bien entendu, il conviendra au gouvernement de porter une réponse aux disparités existantes, en termes de richesse et d’infrastructure, afin d’équilibrer les régions, dans le cadre d’une planification stratégique nationale qui demeure primordiale.
Des conseils pour le prochain gouvernement ?
Répondant à l’ambassadeur de Croatie interrogeant le Haut-commissaire au plan sur les quelques réformes-clés qu’il pourrait conseiller à la prochaine législature, M. Lahlimi évoque de prime abord la nécessité d’un renforcement des institutions démocratiques en activant, par exemple, les quelques 18 Conseils prévus par la Constitution afin d’assurer une participation directe des catégories sociales porteuses de progrès. Il voit ensuite une nécessité de compiler une vision stratégique pour la gouvernance en formulant la trajectoire gouvernementale en coordination avec les citoyens. Bien entendu, il existe déjà de nombreux contrats sectoriels, mais M. Lahlimi appelle à les intégrer dans une vision globale d’avenir.
Inégalités, la pierre
d’achoppement
Le problème fondamental, à l’origine de tous les troubles dans le monde est, selon M. Lahlimi, les inégalités sociales et territoriales qui engendrent tensions et violences. Il se réfère à la crise économique des subprimes aux Etats-Unis et les différents « printemps » qui ont été, selon lui, un fiasco entraînant l’arrivée de mouvements radicaux et extrémistes qui ont puisé leur propagande dans les héritages rétrogrades les plus sombres des nations. Les inégalités de patrimoine, de formation, d’emploi, de genre doivent être aplanies et c’est au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour assurer à tous les mêmes chances, dès le jeune âge. Pour illustrer son propos, M. Lahlimi prend l’exemple des statistiques faisant apparaître qu’un enfant inscrit dans le préscolaire a plus de chances de terminer ses études que celui qui est scolarisé ultérieurement. Actuellement, l’offre préscolaire est l’apanage au Maroc du secteur privé, et donc réservé à une tranche plus aisée de la population. Cette lacune étatique fera l’objet de réformes prochainement.
Réformes économiques
Le Haut-commissaire au plan invite le prochain gouvernement a maintenir les équilibres fondamentaux (déficit acceptable, balance équilibrée des échanges,…) tout en ne cherchant pas la facilité en réduisant les déficits par le retrait des investissements. Selon lui, il faudrait même que le Maroc porte à 40% la part du budget consacrée aux investissements non seulement dans les infrastructures, mais également dans l’industrie qui a souffert d’un déficit d’investissement ces dernières années. La lutte contre la corruption et le contrôle parlementaire de l’administration sont également des outils efficaces pour assurer une croissance durable.
A l’issue de la rencontre, le doyen du corps diplomatique accrédité au Maroc, Ismaila Nimaga, ambassadeur de Centrafrique, a remis, au nom des ambassadeurs présents un diplôme de reconnaissance à M. Lahlimi tout en l’invitant à renforcer les coopérations bilatérales avec les instances nationales chargées de la planification, afin de tirer le meilleur avantage de l’expérience concluante du Maroc dans ce domaine.